• Les Amis de La Vie à Tunis


  • Lors d'une petite échapée touristique le samedi 30 mars, nous avons déjeuné dans un restaurant de la Marsa avec une amie franco-tunisienne. Vers la fin du repas, un monsieur, assis avec une dame à la table voisine, propose aimablement de nous photographier tous les trois.

    Il avait entendu que nous parlions du FSM et nous l'avons tout de suite identifié comme venant d'Amérique latine. C'était en effet Oded Grajew, président de l'Association brésilienne des entrepreneurs pour la citoyenneté (CIVES), considéré comme l'inventeue du FSM avec Chico Witaker et Bernard Cassenne.

    Un Brésilien en Tunisie

    Oded Grajew en compagnie de Jean Devaux


    Il n'a pas manqué de nous faire comprendre que sa femme avait aussi participé à cette aventure ! Nous les avons de nouveau aperçus le soir même dans la cathédrale lors de la viellée pascale. Françoise Devaux  


  • HOMELIE A L’OCCASION DE L’ACCUEIL DES DELEGATIONS
    AU FORUM SOCIAL MONDIAL DE TUNIS, LUNDI SAINT 2013 (25 MARS)

     

    "Soyez les bienvenus à Tunis"

    Cathédrale de Tunis

    Chers amis,

    Au nom de Mgr Lahham, Administrateur Apostolique de notre diocèse, et de notre communauté chrétienne en Tunisie, je suis heureux de vous accueillir ce soir pour ce temps de prière, alors que s’ouvrira demain à Tunis le Forum Social Mondial.

    Soyez les bienvenus à Tunis, non seulement pour l’événement du Forum, mais aussi pour la Semaine Sainte et pour les fêtes Pascales. Nous sommes sur le point de commémorer la mort et la résurrection de Jésus pour tous les hommes, de tous temps, de toutes races, de toutes cultures et de toutes religions. Le Christ a donné sa vie pour nous ; il l’a donnée pour mes frères et sœurs tunisiens ; il l’a donnée pour le monde. Mort et ressuscité, il a voulu avoir pour trône sur cette terre le cœur de chaque être humain, à commencer par le plus petit. Il s’est fait, à hauteur d’homme, le serviteur de tous, pour nous apprendre nous-mêmes à devenir des hommes debout et à cheminer avec lui vers la pleine vie de Dieu.

    L’engagement social de notre Eglise et de nos communautés ne coïncide avec aucun projet politique. Il s’enracine dans cette conviction que le Christ a donné sa vie pour tous sans distinction, et que dans ce don qu’il a voulu faire gratuitement de lui-même, il redonne à chacun sa pleine dignité : celle d’être reconnu tels que nous sommes, à savoir héritiers de son Royaume, de sa vie et de sa paix.

    Le Christ n’a pas été militant d’une cause politique. Il a aimé, jusqu’au bout, sans acception de personnes, et c’est par cet amour persévérant jusqu’à la fin qu’il a donné au monde, une fois pour toutes et sans retour, de retrouver cette dignité que toutes les logiques de mort, d’injustices et de péché continuent de vouloir détruire. En tant que chrétiens, disciples de Jésus-Christ, notre engagement s’enracine dans cette certitude de foi.

    "Soyez les bienvenus à Tunis"Nous ne pouvons nous permettre de le réduire à des logiques seulement militantes, organisationnelles, socio-économiques, culturelles ou politiques, au risque de perdre de vue le témoignage spécifique qu’il nous est demandé de donner, qui passe d’abord par ce même amour persévérant jusqu’à la fin : « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples » (Jn 13,35). C’est au nom de cet amour-là, de cette charité, que notre engagement prend sens comme témoignage évangélique, dans le concret de la vie des hommes, où que nous soyons appelés à donner ce témoignage. Cette charité est indissociable de l’engament en faveur de la justice.

    Comme le rappelait le pape Benoît XVI, « Le chrétien est appelé à toujours chercher la justice, mais il porte en soi l’élan de l’amour, qui va au-delà de la justice […] Le chemin accompli par les laïcs chrétiens, depuis le milieu du XIXe siècle jusqu’à nos jours, les a conduits à la conscience que les œuvres de charité ne doivent pas se substituer à l’engagement pour la justice sociale » (Audience du 7 mars 2006).

    Charité et justice sont les deux mains indissociables d’une même action au nom de l’Evangile. L’une sans l’autre nous ferait rester en deça du témoignage auquel nous sommes appelés. Cette action nous conduit à poser une option préférentielle pour les pauvres. « Ce que vous avez fait au plus petit de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (Mt 25,40).

    Une option qui nécessite bien entendu structures et organisations, mais sans faire perdre de vue que nous ne sommes pas appelés à être d’abord des gestionnaires, mais des disciples. Avec nos moyens, ici moyens « de bergers », là ressources plus importantes, nous devons rechercher le salut et le progrès de tous les êtres humains non d’abord par des solutions politiques ou macroéconomiques aux grands problèmes de ce monde, mais en servant le Christ en chaque visage concret.

    Cela ne veut pas dire, bien entendu, que nous n’ayons pas notre place dans les grands débats politiques et économiques. L’engagement social de l’Eglise, au niveau magistériel et apostolique dit et montre tout le contraire. Mais nous devons prioritairement ancrer cet engagement dans la rencontre concrète et aimante des personnes, avant de les regarder à travers le prisme des problèmes plus larges qu’illustrent de manière criante les difficultés de leur vie.

    Ce Forum Social Mondial se tient dans une Tunisie en grands bouleversements. Dans une Tunisie qui a crié sa soif de liberté, sa soif de dignité, et qui fait face aujourd’hui à d’immenses défis.

    La question que nous devons nous poser, aujourd’hui, comme participants à ce Forum au nom de l’engagement de notre foi, est de savoir comment aider à étancher aujourd’hui cette soif, dans laquelle nous ne voyons pas seulement celle des hommes et des femmes, mais celle de Jésus lui-même, parce qu’il l’a dit dans l’évangile.

    Tendre un verre d’eau à mon frère, c’est donner à boire au Christ en personne. Nous le faisons au quotidien, dans toutes ces formes d’engagement qui sont les nôtres sur les cinq continents. Nous le faisons ici, à travers de nombreuses œuvres, en partenariat avec vous et avec nos frères tunisiens.

    Cet aspect du partenariat est plus que jamais essentiel, lui qui consiste à pouvoir dire à l’autre et à s’entendre dire de l’autre: « tu n’es plus seul », comme nous le rappelait ces derniers jours M. Guy Aurenche, Président du CCFD-Terre Solidaire, en visite dans nos communautés.

    En Afrique du Nord, nous vivons chaque jour ce trésor de la relation, qui est, dans un contexte où nos propres structures sont modestes voire pauvres, la seule « matière première » de notre apostolat. Mgr Teissier, archevêque émérite d’Alger, aime à dire que nous sommes une « Eglise de la rencontre ».

    Puissions-nous aborder ce Forum, qui, par définition, est un lieu de rencontres, dans cet esprit d’écoute et de partenariat. Ce qui change le monde, ce ne sont pas des théories abstraites, mais des initiatives concrètes prises main dans la main, soutenues par des rencontres vraies, sincères et solidaires.

    C’est ainsi que nous pouvons, être ici et maintenant des artisans de justice et de paix. A la suite de Celui dont le Prophète Isaïe nous rappelle aujourd’hui : « Moi, le Seigneur, je t'ai appelé selon la justice, je t'ai pris par la main, je t'ai mis à part, j'ai fait de toi mon Alliance avec le peuple et la lumière des nations ; tu ouvriras les yeux des aveugles, tu feras sortir les captifs de leur prison, et de leur cachot ceux qui habitent les ténèbres. »

    Que le Seigneur nous montre, ensemble et avec tous ceux qu’il nous conduira à rencontrer en ces jours, comment être témoins et acteurs de cette paix qui se construit dans la justice.

    Qu’il nous montre comment être des bâtisseurs de justice et de paix, par les chemins du partenariat et de l’engagement solidaire, en nous efforçant d’être toujours d’abord témoins de son évangile.

    Père Nicolas LHERNOULD